20 Novembre 2023

Le double jeu des nuages

Les nuages jouent un rôle de tout premier plan dans le fonctionnement de cette machine climatique. Sans parler de leur rôle dans le déclenchement des précipitations, leur influence sur le rayonnement est considérable. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si on attache autant d'importance à leur présence dans la perception du temps qu'il fait !

Vis-à-vis du rayonnement solaire, les nuages agissent principalement comme un parasol qui renvoie vers l'espace une grande partie des rayons du Soleil. Le pouvoir réfléchissant, ou albédo, des nuages épais est ainsi très élevé, de l'ordre de 80%.

L'effet des nuages sur le rayonnement infrarouge émis par la Terre est moins évident mais tout aussi sensible. On sait par exemple que les plus fortes gelées matinales accompagnent des nuits claires. En effet au cours de la nuit, la Terre, qui n'est plus chauffée par le Soleil, se refroidit en rayonnant dans l'infrarouge. Les nuages bloquent ce rayonnement et agissent comme un isolant vis-à-vis de la surface. On reconnaît là le mécanisme de l'effet de serre.

Les nuages jouent donc un "double jeu" : ils refroidissent la planète par leur effet parasol et la réchauffent par leur effet de serre.

Les mesures effectuées depuis l'espace ont permis d'évaluer ces deux effets. L'un et l'autre sont très importants en valeur absolue et se comptent en plusieurs dizaines de W/m². Leur modification par les processus d'interaction climatique peut ainsi représenter des variations très significatives par rapport à l'effet des gaz à effet de serre d'origine humaine, qui ne représentent que quelques W/m² (environ 1,5 W/m² pour le gaz carbonique seul). Ces deux effets sont également très variables selon les régions. Si l'on sait que globalement le forçage radiatif net des nuages va dans le sens d'un refroidissement de la planète (cf. fig. ci-dessous), en revanche des incertitudes demeurent sur les conséquences du réchauffement climatique sur la couverture nuageuse, le type et la répartition des nuages. De même on ne sait pas quels sont les effets en retour de ces modifications éventuelles sur le bilan radiatif de la Terre.

Forçage radiatif en moyenne zonale au sommet de l'atmosphère obtenu à partir des observations spatiales ERBE et des simulations de modèles de circulation générale. Cette figure montre que les forçages sont de signe opposé entre le domaine spectral visible et infrarouge et que la dispersion absolue est plus importante dans le domaine spectral visible (d'après Potter et Cess, 2004).

Pour y voir plus clair, il est nécessaire de mieux quantifier l'impact radiatif des nuages. Or, pour évaluer les propriétés radiatives d'un nuage il faut connaître à la fois ses caractéristiques macrophysiques (altitude et température de la base et du sommet, extension spatiale et taux de recouvrement pour les nuages multi-couches), son contenu en eau et glace, ses caractéristiques microphysiques [phase (eau, glace ou mixte), taille des gouttelettes, forme et orientation des cristaux de glace] et son environnement, c'est-à-dire la nature de la couche située sous le nuage.

Les nuages de glace sont actuellement les plus mal connus, du fait de la difficulté à les observer. En effet les cirrus, fins et non homogènes, sont peu réfléchissants et froids, donc mal détectés par les radiomètres classiques qui fonctionnent dans le visible ou l'infrarouge. De plus, la forte variabilité naturelle de la taille (1 à 1000 µm), de la forme (sphères, plaquettes ou colonnes hexagonales, polycristaux) ou de l'orientation (aléatoire ou horizontale) des cristaux qui les composent est susceptible de faire varier les propriétés radiatives du nuage dans des proportions considérables. Pour parvenir à percer les secrets de ce type de nuage, de nouvelles techniques d'observation sont nécessaires.